Le peintre des batailles Arturo Perez Reverte

Pendant de longues années, Faulques a arpenté les guerres. Il a photographié les hommes agonisants, torturés, exécutés, déchiquetés, morts...
Aujourd'hui, réfugié dans une vieille tour sur la côte espagnole, il peint à même le mur une grand fresque de bataille.
Un jour, survient un homme, un combattant croate, jadis photograhié par Faulques à Vukovar...

" Quelque chose dans l'expression de la victime ne satisfaisait pas le peintre des batailles.Elle allait être assassinée un instant après, et Faulques le savait. L'exécuteur aussi le savait. Le problème résidait dans les sentiments du supplicié.Son visage, auquel avait été ajoutés de l'ombre brûlée et du bleu de Prusse pour en accentuer les angles et les saillants, semblait décomposé par la peur; mais il n'était pas tourné vers le bourreau, il l'était vers l'observateur, ou le peintre, ou n'importe quelle personne assistant à la scène.Et Faulques comprit ce qui clochait.Ce n'était pas de la terreur que devait refléter le visage de cet homme sur le point de mourir. Si le condamné n'observait pas son bourreau mais le témoin, c'est-à-dire l'appareil photo transformé en pinceaux et en regard du peintre, l'oeil imaginaire qui, avec un tel cynisme, s'apprêtait à assister à sa mort, son expression ne pouvait refléter de la peur mais de l'indignation. Une surprise indignée, voilà la nuance exacte.Naturellement."